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Charlebois et l'OSM

La remarquable symphonie de Robert Charlebois

La remarquable symphonie de Robert Charlebois
Robert Charlebois et l'OSM n'ont fait qu'un, jeudi, à la Maison symphonique. / Courtoisie OSM/Antoine Saito

Avril sur Mars, 50 ans, 50 chansons, CharleboisScope, Charlebois, Ducharme et les autres... : depuis deux décennies, Robert Charlebois s’évertue à nous présenter des concerts que l’on pourrait qualifier de thématiques. Remarquez, on pourrait même dire depuis 1968, au fond, soit depuis L’Osstidcho

Cette semaine, nous avons droit au Charlebois symphonique avec l’Orchestre symphonique de Montréal sous la direction de Jacques Lacombe, à la Maison symphonique. Voyons ça comme un cadeau d’anniversaire pour le Garou original qui a célébré ses 80 printemps le 25 juin.

La Maison symphonique offre un contexte très différent de l’actuelle tournée de Charlebois qu’il trimbale au Québec et en Europe depuis quelques mois avec un groupe très Rock and Roll. Si c’est bel et bien l’œuvre de Charlebois qui est présentée pour trois soirs à Montréal (aussi vendredi et samedi), elle l’est dans l’écrin de l’OSM, protocoles inclus.

OSM/Antoine Saito

Source: OSM/Antoine Saito

Avouons-le, ça a mal commencé. Très bonne idée d’amorcer la soirée avec Deux femmes en or qu’on n’entend jamais dans un concert de Charlebois. Le hic, c’est qu’on avait bien du mal à entendre le chanteur perdu dans le thème du film de Claude Fournier. Et ce n’était guère mieux avec Le Mont Athos (texte de Marcel Sabourin) qui a suivi. Un problème classique – sans mauvais jeux de mots – lors d’un soir de première. Ça sera corrigé dès vendredi. Pire, Charlebois a oublié les paroles durant la chanson suivante, Mourir de jeunesse (texte de Gilles Vigneault).

«Une chanson de Vigneault sans blanc de mémoire, ça ne se peut pas. J’ai fait exprès», a-t-il dit pour se dédouaner.

On le comprend un peu. Du point de vue du spectateur, assister à un concert de Charlebois sans le voir jouer de la guitare, sans entendre le son lourd de la batterie et sans prendre place au piano – sauf une fois -, c’est assez déroutant. Imaginez à sa place…

Puis, Avril sur Mars est arrivée…

«Si je me trompe dans celle-là, je tue le chat»

Le matou n’avait rien à craindre. Tout d’un coup, c’est comme si le chanteur, l’orchestre et le chœur avaient trouvé un terrain d’entente. L’équilibre et la complémentarité y étaient et le monument de Charlebois semblait soudainement tiré d’un film de science-fiction tourné en Technicolor.

Formidable Rose

Même s’il n’avait que ça à faire, Charlebois n’était pas le seul à chanter dans cette entreprise. Il y avait le chœur, mais aussi la contralto Rose Naggar-Tremblay et le ténor Frédéric Antoun. La première est venue rejoindre Charlebois pour Sensation, le poème d’Arthur Rimbaud mis en musique par l’auteur-compositeur et Luc Morin en 1969, pour le disque Québec Love.

Interprétée en alternance et en duo, l’offrande a fait mouche et démontré des possibilités pas vues jusque-là dans ce spectacle. Heureux en amour?, avec tous les chanteurs et instrumentistes, a poursuivi dans la même veine, confirmant l’unicité de l’ensemble.

C’est alors qu’est survenu l’électro-choc, quand Charlebois et Naggar-Tremblay ont exulté durant Madame Bertrand. Sérieux… Entendre une cantatrice faire siennes les répliques du personnage-titre digne d’un roman de Michel Tremblay était aussi renversant que jouissif.

Photo OSM/Antoine Saito

Source: Photo OSM/Antoine Saito

Ordinaire, magnifiée par l’orchestre et le chœur, a été rien de moins que grandiose. Lacombe a même laissé la baguette à Charlebois pour la finale.

En version piano-voix ou avec orchestre, cette chanson est un chef-d’œuvre absolu.

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Si ce concert était tout sauf un concert de grands succès de Charlebois, il fut en revanche une occasion d’entendre des titres dont les versions d’origines ne demandaient qu’à se prêter à une relecture symphonique, gracieuseté des adaptations d’Hugo Bégin.

Terre Love, l’ode antimilitariste de Charlebois charpentée sur les Canons de Pachelbel dans sa période où il «en fumait du bon» a été portée par toutes les voix disponibles, sauf celle de Charlebois qui s’est effacé au piano.

Quant à Phébus et Borée, vivifiante, elle a démontré qu’il y a belle lurette que les collaborations entre orchestres et artistes populaires ne sont plus des collages. J’avais l’impression d’entendre une composition classique avec l’apport d’un chanteur et non pas le contraire. Fusion totale.

Photo OSM/Antoine Saito

Source: Photo OSM/Antoine Saito

Si Fu Man Chu et La fin du monde ont permis à l’OSM de s’éclater pas pour rire – un régal de cascades et de crescendo de cordes, de vents déchaînés et de cuivres occasionnels -, Insomnie et Je reviendrai à Montréal ont offert des enveloppes sonores aussi soyeuses que splendides. De la beauté à la puissance 10.

Et Lindberg? Nous sommes des milliers de Québécois à avoir vu Charlebois l’interpréter avec Louise Forestier, comme sur le disque original de 1968. Ici, c’est Rose Naggar-Tremblay qui tenait ce rôle et elle a coloré l’archi-classique de la chanson québécoise comme nous ne l’avions jamais entendue. Re-mar-qua-ble!

Même s’il a largement privilégié sa période de la fin des années 1960 jusqu’au au milieu des années 1970, Charlebois a conclu au rappel avec deux chansons «récentes» - du moins, pour un artiste qui compte plus de 60 ans de carrière -, Ne pleure pas si tu m’aimes, ainsi que Et voilà.

Photo OSM/Antoine Saito

Source: Photo OSM/Antoine Saito

Là aussi, un choix judicieux. Charlebois a duré. Tellement duré, en fait, qu’il peut prendre des risques insensés dans un concert comme celui-là où il démontre que son répertoire sans fond peut s’adapter à tous les genres musicaux et toutes les époques.

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