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Osheaga, jour 2

Le festival de guitares et l’ouragan Chappell Roan

Le festival de guitares et l’ouragan Chappell Roan
Billie Joe Armstrong et Mike Dirnt / Courtoisie Osheaga/Tim snow

Le groupe punk américain du XXe siècle qui a internationalisé le genre, l’un des survivants de la période grunge et les héritiers des Clash. Ce n’était certes pas présenté ainsi par les organisateurs, mais la deuxième journée du festival Osheaga était placée sous le signe des guitares.

Et aussi d’un record. Récit.

Deux anniversaires pour Green Day

Lorsque Green Day lance son troisième album, Dookie, le 1er février 1994, il est encore un band néo-punk inconnu du très grand public et noyé dans la mouvance grunge dont Nirvana, Pearl Jam et Soundgarden figurent parmi les chefs de file.

À l’été 2024, Green Day est toujours présent et peut revendiquer une carrière qui s’étale sur des décennies avec une poignée d’albums qui ont fait époque. Et pour leur passage en tête d’affiche, samedi, Billie Joe Armstrong, Mike Dirnt et Tré Cool avaient deux anniversaires à célébrer : les 30 ans de Dookie et les deux décennies d’American Idiot (2004).

Lors de leur tournée Saviors, le trio de jeunes quinquagénaires a interprété intégralement et en séquence les deux albums dans presque toutes les villes visitées. Pas à Montréal. Faute de temps? Ils avaient pourtant une fenêtre de deux heures pour le faire. Mais quand l'énergique Basket Case a suivi l’entrée en matière que fut la récente et excellente The American Dream Is Killing Me, on savait que ça n’allait pas être le cas. Basket Case vient au septième rang sur Dookie.

O.K., pas grave. Personne n’a été perdant avec plus de 40 amplificateurs sur scène et la moitié des titres de Dookie et encore plus d’American Idiot au programme, surtout pas les milliers de festivaliers qui ont chanté les refrains fédérateurs à tue-tête et qui ont répondu aux demandes de Billie Joe qui était dans un grand soir pour la fougue, la qualité de sa voix et ses yeux, plus que jamais expressifs.

Osheaga/Tim Snow

Source: Osheaga/Tim Snow

Si When I Come Around, Welcome To Paradise et Longview ont provoqué les réactions habituelles, She et In the End n’ont pas laissé leur place.

Armstrong, qui connaît tous les trucs du métier, a encore une fois invité une personne sur scène, insistant pour que cette dernière connaisse par cœur les paroles de Know Your Enemy.

Une dénommée Sandrine est montée sur scène, s’est fort bien acquittée de sa tâche et elle a sauté depuis le moniteur sur le dernier coup de batterie de la chanson. Elle va s’en rappeler.

Osheaga/Tim Snow

Source: Osheaga/Tim Snow

Historien de la musique, Billie Joe avait fait jouer Bohemian Rhapsody (Queen) et Blitzkrieg Bop (Ramones) avant de monter sur scène. Durant le concert, il a fait un clin d’œil à Tom Petty (Free Fallin’) et à Black Sabbath (Iron Man).

Les bombes d’American Idiot se sont avérées aussi fédératrices que celles de Dookie. Contrairement à ce qu’il a fait aux États-Unis, Armstrong n’a pas changé la phrase «Redneck agenda» par «MAGA agenda» d’American Idiot. Après tout, ici, personne n’a le droit de voter contre Donald Trump.

En revanche, par deux fois, il a inséré «Montréal» à la place de «Novacaine» dans la chanson du même nom. Et il a demandé au public monstre de sauter avec abandon un nombre incalculable de fois durant le concert. Mais bon, l’île St-Hélène a tenu le coup et tout le monde a pu quitter sur l’incontournable Good Riddance (Time of Your Life).

Le sourire de Billy

Lorsque Basket Case et When I Come Around se font entendre partout en 1994 et permettent à Green Bay de se faire connaître des masses, les Smashing Pumpkins sont déjà auréolés d’un duo d’albums qui ont fait leur légende: Gish (1991) et Siamese Dream (1993), tandis que leur projet le plus ambitieux – Mellon Collie and the Infinite Sadness (1995) – est tout proche.

Les décades qui ont suivi n’ont pas été roses pour Billy Corgan qui a chassé ou vu partir à un moment ou un autre tous les membres de son groupe qu’il a sabordé. Renaissant constamment de ses cendres, Corgan a remis les citrouilles sur le marché et le groupe compte de nouveau trois membres fondateurs (Corgan, James Iha, Jimmy Chamberlain) depuis 2018.

Et même s’ils ont fait amende honorable plusieurs fois au Centre Bell lors des dix dernières années, les Smashing Pumpkins avaient l’occasion de faire oublier leur prestation de 2007 à Osheaga, de loin la pire d’une tête d’affiche de l’histoire du festival.

Les Smashing Pumpkins/Osheaga/Tim Snow

Source: Les Smashing Pumpkins/Osheaga/Tim Snow

Rien de ça samedi. Dès les premières secondes de l’explosion toutes guitares hurlantes pour The Everlasting Gaze, on a vu que le trio complété par d’autres instrumentistes dont la guitariste Kiki Wong était investi au possible. On a même vu Corgan sourire durant cette courte prestation de 55 minutes. Pensez-y…

Corgan et ses potes auraient pu tapisser mur à mur de succès, ce qu’ils n’ont pas fait. Remarquez, la relecture en mode rock lourd de Zoo Station, de U2, valait le détour, mais ce n’était pas indispensable à en juger par les réactions dès les premières notes de Tonight, Tonight, Disarm, 1979, Bullet With Butterfly Wings, 1979 et autres Cherub Rock. Cela dit, la crème de la crème des Smashing Pumpkins, lorsque interprétée à ce niveau, demeure un régal.

Les héritiers des Clash

Né au tout début des années 1990, Rancid n’a jamais connu le succès populaire de Green Day ou même celui de The Offspring, mais il a été dans l’esprit de bien des amateurs au punk des années 1990 ce que fut The Clash aux années 1970 : l’authenticité et l’intégrité réunies.

Rancid en action/Osheaga/Tim Snow

Source: Rancid en action/Osheaga/Tim Snow

Eux aussi, tiens, avaient les 30 ans du disque Let’s Go à célébrer. On a eu droit à Radio, Side Kick et Tenderloin qui ont mené des bons vieux moshpits cuvée années 1990 avec les amateurs qui tournoyaient et se bousculaient avec un plaisir coupable.

Parlant de tournoyer, Armstrong le fait moins qu’avant, mais il ne faut pas s’approcher de lui si on ne veut pas se prendre sa guitare sur la gueule.

Tim Armstrong/Osheaga/Tim Snow

Source: Tim Armstrong/Osheaga/Tim Snow

Mais bon, le 30e anniversaire majeur, c’est quand même celui de …And Out Comes the Wolves, paru en 1995. La tournée pourra souffler les bougies l’an prochain, mais cela demeure la galette où le groupe pige le plus de chansons. Maxwell Murder, Roots Radicals, Time Bomb – quelle basse de Freeman! – Listen M.I.A. et Ruby Soho - la chanson la plus Clash à n’avoir jamais écrite par les Clash – étaient au copieux menu.

L’ouragan Chapell Roan

Est-ce que Chappell Roan devait se produire en soirée, samedi, à Osheaga? C’est la question que se posaient bien des amateurs, au vu et su des prestations de cette dernière depuis le début de la saison des festivals. Comme personne ne s’est désisté, l’Américaine est demeurée à sa case horaire.

Le verdict de la foule s’est fait entendre avant même qu’elle ne mette les pieds sur scène.

«Chappell! Chappell! Chappell!»

Chappell Roan/Osheaga/Tim Snow

Source: Chappell Roan/Osheaga/Tim Snow

Pas d’équivoque. La vedette dont la percée est de calibre international quelques mois est arrivée sur les talons d’un trio de musiciennes (guitare, basse, batterie) vêtu de tenues qui empruntaient aux tutus de ballerines. Chappell Roan, pour sa part, ne cédait pas sa place, avec un ensemble qui pourrait passer pour un déshabillé de fin de soirée serti d’ailes.

Pendant 45 minutes frénétiques, celle qui est née sous le nom de Kayleigh Rose Amstutz, a pris d’assaut la scène, la tête et les cœurs de milliers de festivaliers et de festivalières. L’une d’entre elle tenait une pancarte sur laquelle était écrit «It’s a Hot Lesbian Summer», référence autant à l’explosive chanson HOT TO GO! qu’à l’orientation sexuelle de la chanteuse qui se définit comme queer. D’ailleurs, une autre spectatrice tenait une très grosse pancarte avec son numéro de téléphone bien en vue. Pas d’équivoque là non plus.

Osheaga/Tim Snow

Source: Osheaga/Tim Snow

Remarquez quand on scrute les paroles de chansons de pure pop - avec pas mal de guitares, quand même – nommées Femininomenon, Super Graphic Ultra Modern Girl et Red Wine Supernova, on comprend les envies, les désirs et l’univers sans filtre évoqué par l’artiste.

Et ça fait mouche sur scène. Chappell Roan a du Madonna dans le nez, pour ce qui est du regard et de l’attitude, du Lady Gaga, rayon gestuelle, et du Cyndi Lauper, dans le registre vocal. Visuellement soutenue par des vidéos éclaboussant de couleurs et ses paroles de chansons projetées tels des slogans, Chappell Roan se risque même au français – un A pour l’effort – et se met à genoux avec ses musiciennes pour provoquer plus d’effet.

Osheaga/Tim Snow

Source: Osheaga/Tim Snow

Non seulement l’Américaine a validé la réputation virale qui la précède, ce qui n’est pas rien en soi, mais les organisateurs ont fait un sacré carton.

Jamais dans l’histoire d’Osheaga – depuis 2006 – n’a-t-on vu le site rempli à ras-bord à 15h30 comme il l’est en fin de soirée pour Coldplay, Eminem ou pour Noah Kahan, pas plus tard que vendredi soir. Même pas proche. Et j’ai été présent lors de toutes les journées de toutes les éditions.

C’était rose de monde… référence à la couleur préférée des fans de Chappell Roan qu’elle évoque dans Pink Pony Club.

En définitive, Green Day, les Smashing Pumpkins et Rancid auront été à la hauteur de leurs légendes respectives, mais cette – autre - journée caniculaire farcie de six cordes sera peut-être celle où une jeune Américaine hors normes et excentrique aura écrit le premier chapitre de la sienne.

Osheaga/Tim Snow

Source: Osheaga/Tim Snow

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